LIBERTÉS RÉDUITES, LIBERTÉS ENCADRÉES - Deux manœuvres politiques peuvent être décelées dans les premiers chapitres du livre de l'Exode. En analysant ces manœuvres, lesquelles émanent du pharaon, il est possible de discerner certains procédés plus ou moins flagrants, dont usent les politiques de tous les temps, et donc du moment.
Il serait presque surprenant de ne pas constater que "rien de nouveau sous le soleil" si nous n'avions pas, avec la Bible, des repères à ne pas négliger.
Cela se passe dans un temps très lointain, lorsque le peuple hébreu avait été réduit à l’esclavage en Égypte, sous la domination sévère du pharaon de l’époque.
Il convient de rappeler que les pressions draconiennes mises en place par le pharaon à l'encontre des descendants de Jacob sont nées d'une hypothèse. Cette hypothèse se construit sur une toute petite expression : "et si".
Le pharaon va s'inventer une menace, un risque, un danger à partir d'un scénario imaginé, lequel ne part même pas d'un indice servant d'alerte. En effet, il n'est pas dit, dans les premières lignes de l'Exode, que les Hébreux étaient belliqueux, menaçants, revêtus d'un gilet jaune !
Mais le pharaon anticipe une éventuelle participation des Hébreux ralliant un éventuel ennemi extérieur, et menaçant son pays.
Ce principe de précaution a permis, ces derniers mois, à mettre en place quantité de lois, que ce soit après les attentats terroristes (et islamiques), ou suite à la pandémie. Ces lois vont toutes vers la restriction des libertés et les surveillances amplifiées.
Première manœuvre, au nom du principe de précaution : restreindre la croissance numérique chez les Hébreux en les dégoutant de la vie, en assombrissant l'avenir pour les générations à venir. Corvées astreignantes et épuisantes, puis parce que cette manœuvre ne suffit pas, menace sur les enfants mâles naissants. Vous connaissez assez la suite de l'histoire pour voir l'acharnement du Pharaon qui va de plus en plus loin, jusqu'à faire appel à l'armée pour jeter dans le Nil les petits garçons !
Bien des années plus tard, alors que les Hébreux souffrent de plus en plus, et depuis plusieurs générations, Moïse est mandaté par Dieu pour aller voir le pharaon et lui dire « Let my people go », mais plutôt en égyptien ou en hébreu ; ce qui veut dire « Laisse aller mon peuple ». Dans ce message, il y a deux notions importantes : rend la liberté à mon peuple, mais aussi que mon peuple soit libre ... pour adorer son Dieu.
Le pharaon refuse. Peut-être a-t-il besoin de cette main d’oeuvre à bon marché, mais surtout, il redoute que ce peuple devienne un peuple ennemi.
C’est alors que pour faire fléchir le pharaon, les fameuses plaies d’Égypte entrent dans l’histoire. Moïse dit au pharaon : si tu ne laisses pas partir les hébreux, le pays va être frappé. Premier refus, première plaie. Moïse revient à la charge : deuxième refus, deuxième plaie. Puis troisième, quatrième, cinquième demande, cinquième, sixième, septième refus et autant de plaies qui vont du Nil devenu rouge sang à l’invasion de mouches en passant par celle des sauterelles, puis la mort du bétail, puis la maladie…
À la huitième plaie cependant, Pharaon craque : « OK Moïse, tu peux partir avec les hommes et vous pouvez aller rendre un culte à votre Dieu dans le désert. » Cette fois, c’est Moïse qui refuse : « Non ! Pas seulement les hommes ! » C’est l’impasse. À la neuvième tentative de Moïse, le Pharaon fait une nouvelle concession : « OK, partez, hommes, femmes et enfants… » Moïse répond par la négative. Il veut que le peuple quitte l’Égypte avec leurs animaux, leurs bétails. Sinon, comment survivre dans le désert. C’est seulement à la 10ème demande et à la 10ème plaie que le pharaon lâche totalement prise et que tous les Hébreux peuvent enfin quitter l’Égypte avec leur bétail, pour une traversée du désert qui sera encore une longue aventure.
Pourquoi vous parler de cette histoire aujourd’hui ? Parce que notre époque est réduite dans ses libertés : liberté de déplacement, liberté d’association, liberté d’expression, liberté de parole, liberté de conscience…
Lorsque vient la 8ème plaie, le pharaon autorise en partie la sortie. On peut imaginer que Moïse a gagné, qu’il a réussi à faire fléchir l’autorité. Certes, ce n’est pas tout ce qu’il espérait, mais c’est déjà une victoire. Or Moïse n’accepte pas ce compromis. De fait, il refuse que la liberté, qu’il espère, demeure dans le cadre du puissant qui domine. Parce que finalement, ce qu’accorde le Pharaon n’est pas la liberté, mais une liberté encadrée. Là où certains se féliciteraient d’avoir un peu gagné, Moïse refuse la limitation.
Lorsqu’à la 9ème plaie, Pharaon lâche encore du lest, on croit que tout est acquis pour les Hébreux ; mais Moïse ne se laisse pas avoir. C’est tout ou rien ! Ce n’est pas à cet État-là de décider des limites de la liberté. De fait, une liberté délimitée par les règles de l’État est au bénéfice de l’État et pas du peuple.
J’imagine que vous discerner ce qui est dit ici et qui, du coup, trouve un chemin dans la lecture de notre temps et des circonstances dans lesquelles nous sommes.
Et vous vous dites : oui mais si l’État ne peut plus intervenir pour définir ce que sont les libertés et jusqu’où elles peuvent aller, c’est la porte ouverte au libertinage, aux abus et même à l’anarchie.
Oui mais non !
Lorsque le peuple hébreu est enfin libre, libéré de l’esclavage de l’Égypte et qu’il se retrouve cheminant vers la Terre Promise, la deuxième chose qu’il reçoit de Dieu, après la libération, c’est la Loi.
Moïse, le libérateur, sur le mont Sinaï, rencontre le Dieu sauveur qui donne, dans la foulée, les Dix commandements pour le peuple libéré.
Le pharaon haïssait tandis que Dieu aimait !
Voilà de quoi méditer, confiné ou pas !
Eric DENIMAL