Constitutionnalisation de l’IVG : Droit et liberté, est-ce « la même chose » ?

Constitutionnalisation de l’IVG : Droit et liberté, est-ce « la même chose » ?
Publié le
February 8, 2023

Constitutionnalisation de l’IVG : Droit et liberté, est-ce « la même chose » ? - Mercredi soir 01/02/23, contre toute attente, le Sénat s’est finalement prononcé en faveur de l’inscription dans la Constitution de la « liberté de la femme » de recourir à l’IVG, adoptant, par 166 voix pour et 152 contre, l' »amendement de compromis » du sénateur LR Philippe Bas, prévoyant de compléter l’article 34 de la Constitution par ces mots : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse ».

Ce que déplore le CPDH (Comité Protestant pour la Dignité Humaine), car un rejet pur et simple du texte par le Sénat l’aurait de fait enterré. Désormais la proposition de loi constitutionnelle sera bientôt de retour à l’Assemblée nationale, pour une deuxième lecture à partir de la nouvelle formulation.   

Mais puisqu’il s’agit d’un compromis, ce texte n’est pas du tout le même que celui qui avait été proposé par les députés à l’Assemblée nationale, à savoir un texte qui protégerait le droit à l’IVG dans la Constitution.

La députée Yaël Braun-Pivet a beau se féliciter de l’adoption du texte par le Sénat, en affirmant que « les mots diffèrent, mais l’intention est commune », l’intention n’est pas du tout la même, et cela se confirme par le simple fait que les deux chambres ont adopté des formulations différentes qui recouvrent chacune une réalité différentesouligne Mathilde Philip-Gay, professeure de droit public à l’université Lyon 3 (spécialisée en droit constitutionnel, sur la responsabilité des chefs d’Etat dans le monde, et sur la justice pénale internationale), sur son compte twitter, le 2 février :

–  Assemblée Nationale : un droit à l’IVG IMPOSE à l’Etat de le garantir  

– Sénat : La liberté d’ IVGc’est au législateur de DETERMINER LES CONDITIONS dans lesquelles cette liberté s’exerce. Le législateur pourra donc restreindre subtilement l’exercice du droit.

« La liberté, c’est la faculté de faire quelque chose. Pour la liberté de recourir à l’avortement, cela veut dire qu’une femme est libre de subir une IVG ou non (dans le cas où un État obligerait des femmes à recourir à l’avortement) »explique Mathilde Philip-Gay. « Or, il (lui) semble que ce n’est pas la question à laquelle voulait répondre le Parlement en constitutionnalisant le droit à l’avortement. L’idée derrière la version du texte proposée par les députés, c’est plutôt de garantir le droit, c’est-à-dire l’effectivité de la possibilité d’avoir accès à une IVG si cela est nécessaire. Par ailleurs, le droit est garanti par l’État, il y a donc des recours, si par exemple, ce droit ne peut être garanti dans certaines régions ou villes.  En revanche, la liberté, c’est laisser le choix à la loi de décider. La différence entre droit et liberté est donc subtile, car elle signifie que les conditions d’accès à l’IVG pourraient être remises en question par des lois qui viendraient le modifier », dans le cas, par exemple, d’un changement de majorité ou de gouvernement. 

Le texte qui a été voté par le Sénat a certes une portée symbolique, mais ce n’est ni une victoire politique, ni une victoire juridique, selon les spécialistes du droit constitutionnel.

Source : pepscafeleblogue.wordpress.com

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