Avis du CCNE : « Ce qu’il y a de problématique dans l’eugénisme, est-ce le fait qu’il émane de l’Etat, ou qu’il procède à la sélection des vies ? »

Avis du CCNE : « Ce qu’il y a de problématique dans l’eugénisme, est-ce le fait qu’il émane de l’Etat, ou qu’il procède à la sélection des vies ? »
Publié le
February 18, 2022

Avis du CCNE : « Ce qu’il y a de problématique dans l’eugénisme, est-ce le fait qu’il émane de l’Etat, ou qu’il procède à la sélection des vies ? » - Mercredi 16 février, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) publiait son avis n°138 intitulé : « L’eugénisme : de quoi parle-t-on ? ». Entretien avec Danielle Moyse, philosophe, professeur et chercheuse associée à l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux.

Gènéthique : Le CCNE définit trois critères pour caractériser l’eugénisme : « une visée d’’amélioration’ de l’espèce humaine, une politique d’état coercitive au service de cet objectif, s’appuyant sur un ‘savoir scientifique’, des critères et des procédés de sélection d’individus ». En s’appuyant sur cette définition, le CCNE déplore « une recrudescence de l’usage du terme ‘eugénisme’ apparue dans le débat public et la presse à l’occasion du débat parlementaire autour de la révision de la loi relative à la bioéthique ». Ce qui constituerait un « amalgame rhétorique ». Qu’en pensez-vous ?

Danielle Moyse : Il est évidemment intéressant d’être précis sur les mots, et la mise au point historique du CCNE est légitime. Pour autant, il ne me semble pas qu’il y ait à proprement parler « une recrudescence du terme » « eugénisme ». Le mot « eugénisme » était déjà très présent dans le débat public lorsqu’on indemnisa en 2000 Nicolas Perruche, pour le « préjudice » d’être né, alors qu’il était handicapé (cf. Affaire Perruche : le préjudice d’être né réapparaît, et pour 20 ans). Il l’était même déjà largement auparavant.

Evidemment, chaque époque a ses caractéristiques et dispose de moyens techniques différents. Précisément, les moyens de sélection des êtres humains sont aujourd’hui considérablement plus développés, qu’au moment de la naissance du terme d’« eugénisme » et de son invention par Galton, même s’ils sont moins barbares. Certes, nous ne sommes pas face à un programme de sélection émanant de l’Etat. Dans une certaine mesure le rôle de l’Etat est peut-être aujourd’hui d’essayer de juguler les avancées techniques. Avec une efficacité limitée d’ailleurs… Comme si la puissance technique, dont nous disposons aujourd’hui était plus forte que la puissance politique…

Dans les années 2000, je parlais d’une gestion sélective des naissances. Je n’ai pas vraiment l’impression qu’on soit sorti de cette gestion à l’heure où le CCNE reconnaît bien 95% d’IMG en cas de détection de la trisomie 21 (cf. Dépistage prénatal ? Toujours plus). Il est aussi intéressant de rappeler qu’aux heures les plus actives de l’eugénisme revendiqué comme tel, on pouvait parler de « sélectionisme ». Ce sélectionisme prend aujourd’hui des formes plus sophistiquées, mais il n’en demeure pas moins actif, les dépistages étant de plus en plus efficaces. On est passé du DPN au DPNI, dépistage non invasif en début de grossesse, et qui peut repérer un risque de trisomie, là où ce repérage était naguère bien plus tardif. Et, pour mentionner un aspect que le CCNE n’évoque pas, il est possible qu’on ne stérilise plus qu’exceptionnellement, et pour raison généralement médicale, les femmes handicapées mentales dans les institutions qui les accueillent, mais qu’en est-il du consentement à la contraception souvent systématique qui leur est administré ? Ce serait à vérifier…

On peut enfin se poser la question suivante : ce qu’il y a de problématique dans l’eugénisme, est-ce le fait qu’il émane de l’Etat, ou qu’il procède à la sélection des vies ?

Source : genethique.org

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