Sexualité

«Droit» ou «liberté» de recourir à l’IVG : pourquoi le choix du mot change tout ?

«Droit» ou «liberté» de recourir à l’IVG : pourquoi le choix du mot change tout ? 13 mars 2023
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«Droit» ou «liberté» de recourir à l’IVG : pourquoi le choix du mot change tout ? – Emmanuel Macron a annoncé mercredi vouloir inscrire dans la Constitution la «liberté» des femmes de recourir à l’IVG. Derrière le symbole, cette promesse ne changerait rien, note le constitutionnaliste Bertrand Mathieu.

Tout se joue dans la subtilité des mots choisis. Ce mercredi 8 mars, Emmanuel Macron a annoncé vouloir «graver la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse (IVG)» dans la Constitution. «La liberté»… La formule est loin d’être anodine puisqu’elle abandonne la notion de «droit», réclamée par une partie de l’opposition. Elle confirme, en revanche, l’adhésion à la proposition du Sénat, qui s’était prononcé le 1er février par 166 voix contre 152 en faveur de l’inscription dans la Constitution de la «liberté de la femme» de recourir à l’IVG. De quoi faire dire à certaines féministes, bien que réjouies, que la victoire est en demi-teinte. L’est-elle ? Abandonner le mot «droit» au profit de «liberté», que cela change-t-il concrètement ? Tout, d’après le constitutionnaliste Bertrand Mathieu. «Et c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il y a un tel débat.»

Des droits qui s’entrechoquent

Pour y voir plus clair dans ce jargon juridique, il faut revenir aux fondamentaux. Comme l’explique au Figaro le professeur de Droit public à l’Université Paris II Panthéon-Assas, Guillaume Drago, «la liberté, c’est l’invocation d’une autonomie personnelle, comme la liberté d’aller et venir, ou d’une autonomie collective, comme la liberté de la presse». Le droit, quant à lui, «se revendique à l’égard des pouvoirs publics, comme le droit à l’instruction». L’État doit alors intervenir pour le mettre en œuvre et le garantir pour chaque individu. Dans le cas de l’IVG, par peur que la situation dégénère un jour en France (comme c’est le cas aux États-Unis), certains parlementaires (notamment l’écologiste Mélanie Vogel et l’insoumise Mathilde Panot) ont préféré prendre les devants en demandant l’inscription du «droit» à l’avortement dans la Constitution de 1958.

Pourquoi tiennent-ils à ce mot «droit» ? Parce que, selon eux, le terme «liberté» ne suffit pas, et qu’«inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution renforcerait les droits des femmes», assure Bertrand Mathieu. Et pour cause : «On se retrouverait avec un droit de créance, c’est-à-dire que l’État serait obligé de tout mettre en œuvre pour assurer ce droit. C’est le principe qu’on retrouve avec le droit à l’instruction, le droit à la santé, le droit au travail», ajoute le constitutionnaliste. Et c’est justement ce pourquoi militent les parlementaires cités ci-dessus et les associations féministes : que tout soit mis en place pour permettre aux femmes d’avorter dans de bonnes conditions, de donner accès aux soins…

Sauf que ce n’est pas si simple. D’un côté, rappelle Bertrand Mathieu, «le droit tel qu’il est déjà posé par le Conseil constitutionnel dit qu’on ne peut pas imposer à une femme de poursuivre une grossesse qu’elle s’estime hors d’état de poursuivre. C’est ce qu’on appelle la liberté personnelle.» Et ce en vertu de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui pose que «la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui» (liberté d’action), et de l’article 2 qui renvoie à la liberté personnelle de chaque individu.

Source : madame.lefigaro.fr

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Commentaire du CPDH

Cet article revient sur les notions juridiques de droit et liberté, sur lesquelles se joue la proposition de loi pour inscrire l’IVG dans la Constitution. Aujourd’hui, la liberté d’avorter est garantie par la loi, la révision constitutionnelle est donc inutile. Par contre, si l’on veut en faire un droit constitutionnel donc illimité, celui-ci entrerait de façon inconciliable avec la liberté de conscience des soignants et le droit à la vie des enfants. Nuance somme toute, très importante !